La Sèvre Niortaise

Textes et photographies de Christine DUHAU.

Voir les photos sous forme de diaporama.

18 juillet

Passage écluse du Carreau d’Or et nav sur la Sèvre Niortaise.
Equipage recomposé sur Vent d’Ouest avec : Yolande, Christine, Joël et Jacques.
Progression au moteur, de magnifiques reflets sur l’eau et surtout un très beau temps.
Arrêt à midi à Damvix.
Jacques a une crise de sciatique.
Mais reste stoïque sur son coussin.
Après-midi : canal du Mignon avec l’île d’Elle.
Et là, nous nous sommes perdus dans la mangrove Niortaise.
Nous nous sommes coupés de la civilisation et sommes devenus des ‘ragondins ’vivants parmi les lentilles vertes. Nous avons passé la nuit à côté d’un house boat désaffecté et avons tenté de pêcher des anguilles au fagot, bredouilles le lendemain.
De beaux paysages, belle sérénité et bonne ambiance.

19 juillet

Passage à 9 h du nœud hydraulique de Bazoin.
Christine ne perd pas une minute et fait le marché aux prunes Dante pendant les transferts de niveaux d’eau.
Visite d’Arçay, joli petit village touristique avec ses « plates ».
Passages d’endroits à 1 cm près sous les ponts.
Arrivée le soir à Coulon, jolie petite ville très fleurie et capitale du Marais, possède plusieurs ponts.
On refait le plein moteur, des plates partout, de très rares voiliers démâtés, promenades dans la ville qui possède un très beau pigeonnier ancien.
Anecdote : Jacques répare ses WC (c’est une histoire qui dure déjà).

20 juillet

Départ de Coulon à 10 h.
Ecluse de la Sotterie, belles roses trémières, et route plus directe pour le retour vers Marans en fin de soirée.
Arrêt devant l’écluse du Carreau d’Or.
Il faut noter que nous avions 2 chefs cuisiniers à bord ( Christine et Yolande) et que l’ambiance était super ! ben oui il faut quand même le dire !

21 juillet

Sommes toujours à Marans.
Passage de l’écluse manuelle à 9 h , beau marché couvert et clocher particulier avec des tubes et du verre.
Remâtage de Vent d’Ouest, les filles aux courses .
Départ 17 h 30 vers l'océan.
Retour par le canal du départ avec passage de l’écluse de Brault à18 h, montée des eaux d’environ 50 m. 5 bateaux passent l’écluse et tous se mettent au mouillage après l’écluse
Nous nous mettons à couple avec Réplic. Tout parait serein, sommes loin du bord de la terre
Tajine de mouton aux pruneaux au menu.
Et pendant la nuit, un courant très fort, des bruits impressionnants le long des coques et les bateaux inversent leur sens.

22 juillet

Départ 9 h55, coef 80, BM 14 h04, et cap 265 jusqu’à Bûcheron.
Baie de l’aiguillon et direction Ars en Ré.
Pêche de maquereaux.
Attente du seuil d’entrée vers 18 h.
Retrouvons Rhéa et Moby Dick avec Isabelle
.

La rubrique de "Gratton de Lormont"

9 heures du matin, Rhéa repart vers l’île de Ré, deux éclusiers sont là pour nous ouvrir les portes. Vent d’ouest, le pont entièrement dégagé façon ponton, surchargé (4 personnes à bord, plus tout le barda, l’apéro, la bouffe, les bidons d’essence moteur), glisse sur les eaux du canal. Quelques loueurs de barques, des petites maisonnettes aux jardins fleuris, tout se passe bien sauf qu’au bout du canal, il y a un barrage flottant ??? Mais juste un petit passage au coin, nous voici revenus sur la Sèvre Niortaise, d’où nous cinglons hardiment vers le grand port de Maillé.
Détail technique fort contraignant pour les ragondines, la pompe du wc est en panne et Captain Jack malgré son handicap (le genou, pas le nez !) s’évertue à trouver l’origine de la fuite, la tête coincée sous la cuvette, ce qui n’est ni une mince, ni une plaisante affaire.
Nous laissons la bien-connue île de la Chatte sur notre tribord pour nous engager parmi les lentilles d’eau (c’est vrai qu’elle est verte la Venise !) de la redoutable passe du port de Maillé. La chaleur est accablante, la grande métropole de Maillé somnole, même dans le port ( ?) les ‘capucines’ (petites barques de location à moteur électrique et petit taud de soleil) semblent dormir. Jacquot est très intrigué par l’architecture de ces puissants vaisseaux dont le ‘cul’ est plus étroit que l’étrave, ce qui leur donne l’air de reculer en permanence. Une petite écluse à moitié détruite autorise l’accès au petit chenal de Bourneau, mais il ressemble tellement à un marigot que nous renonçons à l’emprunter (la quille du 235 est relevée, mais quand même, si nous nous plantons au milieu de la mangrove, que deviendrons-nous ? ). Nous réappareillons de Maillé, direction Damvix et sa marina.. Bizarrement, les moustiques qui constituaient la menace n° 1 du périple brillent par leur absence. Yolande (ragondine n°1) elle préférera les eaux de la Sèvre pour prendre un bain. Repas à l’ombre d’un saule au bord du camping. Quel dur métier que celui de marin.
Qu’importe, le navire doit avancer. C’est ainsi que nous atteignons en milieu d’après midi le fameux nœud hydrologique de Bazoin. Ben dis-donc, ça y en a être pas commode, y en avoir cinq écluses ici ! Coup d’œil à la carte, pas de doute, c’est celle-ci la bonne !
« Allo, Monsieur l’éclusier, désolé de vous demander pardon de vous déranger, mais on voudrait ben passer l’écluse »
« Pensez donc, mon brave Monsieur, pour une fois qu’on voit un bateau, on va pas se plaindre ! »
Cinq minutes plus tard, le brave homme arrive au volant de sa voiture de service, et nous lui donnons un coup de main pour notre premier éclusage ‘manuel’ (faut dire que ça marche pas plus mal que l’écluse pilotée par ordinateur de Brault).
« Euh… vous revenez ce soir, n’est-ce pas ? » demande l’éclusier.
« Ben non, on reviendra dans deux jours »
« Ah bon… ? »
Et nous redémarrons vers Damvix. Au bout d’une heure, un doute nous assaille « c’est bizarre quand même, le canal semble se diriger vers le sud, alors que Damvix serait plutôt à l’est ??? »
Diantre, serions-nous victimes d’un sortilège du marais? Nouveau coup d’œil aux instruments de navigation (les photocopies !), ciel, ne serions nous pas sur le canal du Mignon au lieu de celui de La Rabatière ?

Horreur,
‘ Gourés nous nous sommes,
‘ Non point sur Damvix,’
‘ Mais vers Mauzé on se paume !’

Qu’à cela ne tienne, après étude approfondie de la carte touristique destinée aux touristes 3ème âge (dits irrespectueusement ‘tamalous’), il s’avère qu’un petit ruisseau, la ‘Rigole de Garrette’ nous permet de rectifier notre écart par rapport à la route directe. Sauf que cette fois nous nous retrouvons dans la forêt vierge, sauf que la rigole est interminable et que le niveau d’essence dans le réservoir du Yamaha diminue considérablement. Unique signe de vie animale dans cet univers vert, un pêcheur à la ligne, près de son arbre, qui nous regarde passer, halluciné. « Mais, vous pouvez pas aller plus loin, c’est barré » nous lance-t-il.
Ben de toutes manières, barrés et même mal barrés nous sommes, plus question de faire demi-tour, à l’heure qu’il est, l’éclusier a débauché, il nous reste un peu d’essence dans le jerrycan, nous avons boissons et nourriture, on continue…….Pas pour longtemps : la Rigole est barrée par une petite cascade formée par un barrage de régulation des hauteurs d’eau dans le marais. Il y a bien un petit marigot avec un fléchage ‘by-pass’ : que dalle, après reconnaissance pédestre, c’est plutôt un by-pass pour les anguilles.
Demi-tour : en nous voyant passer sous un pont, un groupe de cyclistes n’en croit pas ses yeux et nous prend en photo. Retour vers Bazoin (ah ! je comprends mieux le « ha bon.. » de l’éclusier maintenant).
Les ragondines éprouvent la nécessité d’aller à terre (le wc persiste dans sa mauvaise volonté) et de se dégourdir les jambes sur le petit chemin qui longe le canal.
Captain Jack, farceur, fera semblant de ne rien entendre de leurs cris lorsqu’il s’engage dans un marigot sans regarder les deux filles qui s’époumonent pour nous remettre sur le bon chemin. Même un pécheur sur l’autre rive nous hèlera pour nous informer qu’« on vous appelle de l’autre berge » !!)
On passera la nuit à un minuscule ponton près de l’écluse non sans que Joël (ragondin n°2) ait remonté le temps de 45 ans en discutant avec un groupe de boy-scouts en mission survie/découverte.
Ah j’oubliais ! Connaissez-vous la pêche au fagot ? Jacques a lu ça quelque part dans un livre sur la vie dans le marais poitevin, il suffit de confectionner un fagot avec de petites branches, de l’immerger en le lestant avec un caillou pour recueillir les anguilles qui vont se cacher dedans. Vu le butin, on n’a pas donné la recette aux boys-scouts pour leur survie….
Douce nuit, pas dérangés par les bruits de circulation.

Le lendemain, reconnaissance pédestre des écluses du nœud de Bazoin (les nœuds pour l’instant, c’est nous qui nous les faisons). On rappelle l’éclusier qui revient, un peu goguenard.
Damvix, Damvix une heure d’arrêt ! Les voyageurs retrouvent la civilisation, les épiceries, la Trousse-Pinette (pas de sourire égrillard svp, ce n’est qu’un petit apéro local !).
Douce étape où Joël paiera 2 € pour prendre une douche au camping mais il en aurait payé même 10 s’il avait fallu !
Nouvel appareillage pour Arçais, gigantesque métropole. Il faut embouquer le bief de la Taillée, ce qui nous permet d’atteindre ce haut-lieu du tourisme du marais où abondent les plates, véhicules de référence des tamalous. Les loueurs des dites plates nous regardent plutôt d’un mauvais œil (ciel, où allons-nous si les plaisanciers nous envahissent ?). « Vous n’avez pas le droit de passer par là »..Cause toujours semble dire le skipper, planté droit dans ses bottes, pour la photo sous une adorable grue en bois, (reconstruction fidèle de l’engin initial).
Et après une petite visite, nous repartons par le canal du Petit Minet (si, si), pour rejoindre Coulon au cœur de la Venise verte. Pas facile de passer sous le petit pont de 1.80 mètre de tirant d’air. Le balcon avant est 3 cm trop haut, il faut envoyer deux équipiers à l’étrave, bien allongés sur le pont pour faire plonger un peu le nez du bateau. Car si Petit Minet n’est pas haut du garrot, il n’est pas large d’épaules non plus, il doit faire au max dans les 3.50 m de largeur et est encombré par les futaies. Qu’importe, nous nous tirons de ce mauvais pas dans la bonne humeur et rejoignons à nouveau la Sèvre Niortaise qui nous mène à Coulon, capitale géopolitique et administrative du marais. Ici la rivière n’est pas envahie par les lentilles d’eau mais par les plates des loueurs, il y en a au moins 200, mais heureusement beaucoup moins de touristes !
Visite pédestre de la cité, reconnaissance de la station service (eh oui, le niveau d’essence est au plus bas, même dans le jerrycan !), pas de pot, fermée exceptionnellement ce jour (elle sera ouverte demain)
Nuit sereine amarrés à des poteaux sur la rive.
Nous aurions pu continuer jusqu’à Niort, toute proche mais semble-t-il, le reste du parcours n’est pas intéressant et en plus, il y a une écluse spéciale à portes abattantes dont le fonctionnement semble être épique, on a renoncé….
Donc, le lendemain, une fois les pleins faits retour vers le monde marin. Quant au wc réputé lui aussi mari, il est toujours en panne, au grand désespoir de Jacques qui décide de frapper un grand coup : la réparation ne peut se faire sans enlever totalement le wc qui, vu l’encombrement du carré, ira trôner durant de nombreux kilomètres sur la plage avant du 235, suscitant l’effarement des pêcheurs à la ligne et des populations des villages traversés. Un voilier ici, passe encore, mais avec une cuvette de ch… installée sur le pont…ah, ma pauv’ dam’ j’ai fait un cauchemar idiot !
Justement, en parlant de voilier : on rencontre (magie du hasard) un vieux gréement, le mat couché sur le pont évidemment. A une écluse, on discute avec l’équipage, il s’agit d’un plan Cornu (le bateau, pas l’équipage) qui hiverne tous les ans à Niort et qui rejoint la mer pour les deux mois d’été. J’ai oublié son nom mais Christine (ragondine n°1) le baptisera ‘Cornu’. Le skipper est aussi étonné que nous de voir un autre voilier ici, depuis 20 ans qu’il fait le périple, il n’en a jamais rencontré. Nous nous suivrons jusqu’à Marans que nous rejoindrons en passant par les canaux que nous n’avions pas utilisés à l’aller. Nous aurons bien quelques mini-avatars encore, comme ce pont-levis qui refuse mordicus d’obéir à la télécommande ou la découverte d’une carpe (crevé)e gigantesque dans un sas d’écluse.
Nous repassons bien entendu à Bazoin où cette fois l’éclusier est un jeune étudiant qui viendra tout heureux casser la croûte avec nous à bord.
Retour paisible à Marans, sauf pour Jacques qui est au désespoir d’utiliser un jour les ch…
Dernière nuit poitevine à Marans, Cornu est arrivé avant nous et il a déjà rematé.
Nous, le rematage, nous le ferons le lendemain après le passage de l’écluse du Carreau d’Or. On a retrouvé Réplic dont la circulation sur le pont s’avère délicate avec le gréement de Vent d’Ouest posé dessus.
Bizarrement, les ragondines trouveront subitement Réplic très large et très confortable pour manger et y faire leur délicieuse cuisine, allez savoir pourquoi ! « tu te rends compte, y a même un four, on va pouvoir leur faire un plat gratiné..etc etc ». En tous cas, c’est la seule croisière au cours de laquelle Joël a pris du poids contrairement à l’habitude !
Les 2 bateaux quittent Marans direction Ars-en-Ré avec un dilemme : faut-il mouiller en amont ou en aval de l’écluse de Brault ? On choisira la deuxième solution, ce qui permettra aux bateaux d’échouer dans la vase et aux skippers d’être réveillés en pleine nuit par un hallucinant bruit de torrent contre la coque, provoqué par le courant de marée montante.

Joël BECHELER

Retour